Lorsqu’il arrive de me trouver dans le centre de Londres en début d’après-midi – deux heures et demi est un moment de permutation pendant lequel cisaillée de stimulations invasives qui font arracher à la conscience son état de digestion végétatif, je vois, je suis lucide, et alors je n’arrive à penser que de deux façons. Je suis une superstar, « Londres, c’est moi », egotrip. Ou : « oh », d’un air hypocritement épouvantée, parce que, oui je le savais depuis longtemps que Londres c’est ça, honte, je préfèrerai ne pas, ils le font très bien sans moi de toutes façons.

Il n’y a pas de réaction modérée venant du centre (de Londres). Et ceci n’est pas la sine qua none du « aujourd’hui », le « aujourd’hui » qui voudrait spectaculariser chaque expérience vécue et renforcer les antagonismes, les intensifier pour que nous puissions ne discerner plus que deux émotions, deux modes, deux genres, deux, deux, deux ; non ceci est l’effet de la mégalopole, de Londres. C’est certainement ça l’apanage des grandes villes en général : soumettre ses sujets à des réactions psychologiques si intense qu’elles ne laissent pas le choix de la mesure et de la maitrise. Chaque voyage déroule son tapis de forteresses renvoyant à une impossible rationalisation et par conséquent fragilise toute potentielle réponse politique organisée. Tout ce qu’il reste c’est un Wow à la bouche. Tower bridge : wow, Prêt-A-Manger : wow, asphalte, wow. (Parfois, par des forces rassemblées, la dialectique ville - usager se remet en marche et des évènements éruptent et cassent la dichotomie habituelle).

Il y a quelque chose de dégoutant dans la « synthèse » - qui soit dit-en-passant doit être quelque part à l’opposé de la géométrie. D’un principe abstrait la géométrie se déploie en infinis applications et chacune de ces applications existent de manière égales : un point ne vaut pas mieux qu’un autre. Avec la synthèse un point est oublié au dépend d’un autre. Lorsque je les dis « Londres », je synthétise les roses, les chewing-gums, le bitume, les trains, les cigarettes, les sneakers, les démarches, les crachats, les regards, la colère, le sang, les hôpitaux, la transpiration, la honte, les travailleureuses, les humeurs, les soumis, les soumissions, les emails, les syndicats, les trébuchements, l’ébriété, la solidarité, la dance, l’extase, les défécations, l’ennui, les toussements, la précarité, l’espoir, les devoirs, la messe, la perplexité, la police, l’impossible, l’entente, la course, les poignées de main, les mères, les bouches, les irruptions, le dégout, les messages, les vols, les lacets, les retards, les intermittences, les arrêtés, les lumières, les votes, les clous, les cadenas, les administrations, les performances, les blessures, la transparence, les ponts, l’air, les peintures, l’intolérance, les colocations, les feuilles, l’automne, les chiens, les dominants, l’aurore, la grippe, les évènements, les infos, les emplois, les terrains, le jeu, la pisse, l’herbe, la lune, la montre, la haine, les restaurants, etc et certainement quand je dis autre chose, je dis la même chose.